Il y a démembrement du droit de propriété lorsque ses attributs, qui sont l’usus (droit d’user) le fructus (droit de percevoir les fruits) et l’abusus (droit de disposer), sont répartis entre deux ou plusieurs personnes. Le démembrement peut exister entre une personne physique et une personne morale.
Une double articulation juridique doit donc encore s’opérer pour distinguer les droits du propriétaire d’une oeuvres (digitale) – celui inscrit dans la blockchain – et toute autre personne physique ou morale à laquelle il conférera des droits d’auteur (reproduction, location ou prêt, distribution, communication au public,…):
- Les Droits réels démembrés (en particulier Usufruit et Nue-propriété, voir : XXX ci-dessous)
- L’articulation Droits réels (propriété/UF/NP/Indivision) et Droits d’auteur.
Nous n’abordons dans cette section que l’articulation – suffisamment complexe – entre titulaires des droits d’auteur et propriétaires d’une œuvre digitale (NFT).
Les conflits entre les titulaires sont selon la typologie de Bernard Van Brabant (Vanbrabant, B., « Les conflits susceptibles de survenir entre l’auteur d’une oeuvre et le propriétaire du support », Ing.-Cons., 2004/2, p. 91.) de 3 ordres:
- L’auteur s’oppose à la volonté du propriétaire de modifier ou de détruire son bien
- L’auteur désire extérioriser sa paternité par un signe tangible sur le support
- L’auteur et le propriétaire de l’œuvre sont en désaccord quant à la divulgation de l’œuvre.
Monsieur et Madame Ducadre ont une magnifique collection de tableaux dont ils ont donné il y a une dizaine d’année la nue-propriété à leurs enfants avec une réserve d’usufruit viager. Les beaux tableaux des époux Ducadre ornent toujours leur maison parce qu’ils ont gardé leur droit d’usufruit, qui comporte le droit d’usage (usus) de la chose jusqu’à leur décès. Les droits répartis sont bien de nature différente, d’une part les époux Ducadre détiennent l’usufruit, et d’autre part, les enfants sont titulaires d’un droit de nue-propriété.
Tandis que l’usus et le fructus se cristallisent dans l’usufruit, l’abusus se matérialise dans le droit de nue-propriété . Ces deux droits, issus du démembrement du droit de propriété, sont des droits réels, ils sont cessibles et aliénables en tant que tels
Matthieu FAIN, Patrimoine et œuvres d’art – Questions choisies – 1re édition 2016 – page 39.
Nous envisageons ici DEUX démembrements particuliers aux possibilités qu’offrent les nouvelles technologies et donc les NFT’s.
Pour poursuivre sur les traces de Monsieur et Madame Ducadre, nous conservons l’exemple de parents et de leurs enfants/héritiers.
- Les parents conservent l’UF (l’Usufruit) de leur NFTs dont ils peuvent jouir seuls ou à plusieurs (expositions, prêts à des musées, reproductions,…) – ils cèdent la NP (Nue-Propriété) à leur descendance. Les enfants peuvent réaliser des plus-values sur des ventes successives de cette NP sans pour autant priver les parents du plaisir lié à la jouissance de l’œuvre d’art. Au décès des parents, les enfants récupèrent la pleine propriété et avec elle la pleine valeur actualisée de l’œuvre d’art. Ce régime est particulièrement intéressant en termes de droits de succession (voir ci-dessous);
- A l’inverse, les parents conservent la NP pour réaliser leurs plus-values et continuer à s’enrichir de leur vivant. Leurs enfants peuvent tant jouir de l’oeuvre que d’en tirer des droits dérivés dont précisément des séries de NFT (anciennes lithographies), la mise disposition lors d’exhibitions et autres évènements, ou, et c’est là que la magie du numérique opère à plein régime, en CROISANT l’oeuvre avec d’autres du même registre artistique (oeuvres plastiques) ou non (oeuvres musicales croisées avec des graphismes ou vidéos ou oeuvres statiques rendues animées). N’est-ce pas assez naturellement que les “jeunes générations”, digital-native se montrent plus versées dans ces nouvelles technologies pour lesquelles la seule limite est l’imagination? Ces “variations”, “évolutions” et “croisements” enrichissent l’oeuvre (requérant ou non l’autorisation du NP selon les dispositions contractuelles) et peuvent aboutir à un régime de QUASI-USUFRUIT.
Il existe une variante au droit d’usufruit : le quasi-usufruit . Ce dernier a pour particularité de porter sur des biens consomptibles, comme le vin et l’argent, qui se consomment par leur premier usage et doivent être restitués à la fin de son exercice en pareille quantité, qualité et valeur (ou leur estimation). La doctrine est unanime sur le fait qu’il est possible d’étendre par convention le quasi-usufruit à des biens mobiliers non consomptibles telle qu’une collection d’œuvres d’art. L’obligation attachée au quasi-usufruit est qu’il faut nécessairement rendre, à la fin d’exercice de ce droit, pareille quantité, qualité et valeur . Il faut bien distinguer la collection d’œuvre d’art, prise ici comme une universalité, et l’œuvre d’art isolée. La collection, même si son contenu varie en fonction des ventes et achats, restera une collection tandis qu’une œuvre d’art, prise isolément, si elle est remplacée par une autre œuvre d’art, ne répondra plus à l’obligation de rendre pareille qualité. Il est difficile en effet d’attribuer une même qualité entre deux tableaux de deux époques différentes, tandis qu’une collection prise dans sa globalité restera de la même qualité.
Matthieu FAIN, Patrimoine et œuvres d’art – Questions choisies – 1re édition 2016 – page 40.
Extrait de :
Enfin, un artiste philanthrope qui ne s’oublie pas pour autant peut très bien conserver la NP et réaliser des plus-values sur des (re)ventes tout en laissant l’UF à un musée – les acheteurs/investisseurs possèdent le NFT mais l’UF pour le montrer au public reste avec le musée.