“En face d’une œuvre d’art, il importe de se taire comme en présence d’un prince : attendre de savoir s’il faut parler et ce qu’il faut dire, et ne jamais prendre la parole le premier. Faute de quoi, on risquerait fort de n’entendre que sa propre voix.”
Le Monde comme volonté et représentation.
“Vor ein Bild hat jeder sich hinzustellen wie vor einen Fürsten, abwartend ob und was es zu ihm sprechen werde ; und, wie jenen, auch dieses nicht selbst anzureden : denn da würde er nur sich selbst vernehmen.”
Die Welt als Wille und Vorstellung
― ARTHUR SCHOPENHAUER
(1788-1860)
Nous vous renvoyons à la section 3. Définitions ainsi qu’à l’article de CRYPTOAST:
Qu’est-ce qu’un token non fongible (NFT) ? – Définition et exemples
Comment estimer le prix d’un NFT ?
Lire aussi :
Des exemples d’œuvres numériques vendues en NFT: 500 000 dollars pour le même chat Nyan Cat – 69,3 millions de dollars pour l’œuvre numérique de Beeple – 5,8 millions de dollars pour la collection numérique WarNymph de Grimes.
Arrêtons-nous simplement ici sur la fongibilité. En droit, une chose fongible est un bien qu’on ne peut pas individualiser. Ce sont notamment les denrées alimentaires, une carotte pouvant être échangée avec une autre carotte. Au contraire, les choses non fongibles ont des caractéristiques propres qui ne sont pas interchangeables entre elles. L’exemple typique est l’œuvre d’art.
Ces deux bitcoins sont identiques,
ils sont complètement interchangeables dans leur usage.
Ces deux tokens sont différents,
chacun aura sa prorpe utilisation et valeur.
NFT Month – Chapitre I : Qu’est-ce qu’un NFT ?
Lire:
Dans le monde des crypto-actifs et de la blockchain, le bitcoin est une chose fongible, les NFT sont des choses non fongibles. Et c’est la raison pour laquelle les NFT sont assimilés à de l’art numérique.
Extrait de : What are NFTs? Mapping the NFT Ecosystem
Quelle régulation et fiscalité pour les tokens non fongibles (NFT) ?
Lire aussi:
Extrait des conditions générales d’OpenSea: “Crypto Assets” refers to unique non-fungible tokens, implemented on the Ethereum blockchain (the “Ethereum Platform”) using smart contracts, including without limitation Ethmoji, CryptoKitties, CryptoCelebrities, and CryptoPunks.
Si par le passé, le statut d’oeuvre d’art pouvait encore être laissé à l’appréciation des experts ou des magistrats, il nous semble qu’en 2022, c’est le PUBLIC rendu accessible via les nouvelles technologies de l’information (internet, réseaux sociaux, messageries instantanées,…) qui seul décide de ce statut et des avantages, notamment monétaires (parfois inégalés par les oeuvres d’art “anciennes”), qui y sont liés.
Les NFTs sont ainsi pour nous une opportunité unique, inégalée dans l’histoire de l’humanité, de démocratiser l’art et de le rendre instantanément et mondialement disponible à toute personne connectée à la “toile”.
Si l’internet permettait déjà de donner l’accès à la connaissance et à l’art à tout un chacun, il ne créait pas encore un “marché digital instantané et planétaire”de l’art où tout un chacun peut acheter et revendre des oeuvres d’art, pour la plupart d’un format nouveau et d’un style nouveau qui influence à son tour les artistes contemporains.
Certains artistes dupliquent leurs œuvres en NFTs, conservent ou détruisent ensuite l’oeuvre physique, ce qui ouvre donc l’existence à deux oeuvres jumelles possibles (physique et digitale) tandis que d’autres créent directement des oeuvres digitales qui n’auront jamais d’existence physique.
Voyons nous clairement apparaître une nouvelle “école” ou plutôt tendance artistique faite de GIF, ou images animées, de ces couleurs saturées propres aux logiciels de création d’images ou de vidéo, de ces contours à la ligne claire que n’aurait pas renié Hergé ? Ou les artistes créateurs de NFTs pourront-ils toujours “raconter une histoire” et imaginer une oeuvres aux particularités uniques comme ce collage de Beeple “ « Everydays – The First 5000 Days »?
Ce qui est accompli par la technologie BLOCKCHAIN est l’absence de tout intermédiaire autre qu’une plateforme en ligne entre l’artiste, le créateur du NFT, et l’acheteur ou amateur d’art. Ouvrant ainsi à chaque artiste un marché mondial et à chaque investisseur ou amateur d’art un marché sans frontières pratiquement dépourvu de coûts de transaction.
La “culture” n’a ainsi jamais été aussi proche de tout un chacun et les frontières qui restreignent souvent la popularité d’un artiste à un pays ou une région sont abolies.
La galerie d’art, le “salon” (exposition privée ou publique) ou le musée ne sont ainsi plus les seuls lieux où la culture se découvre et se propage… Mais leurs visites peuvent se faire en ligne avec une addition importante depuis la technologie NFT : en incluant la possibilité d’acheter de l’art authentifié et “tracé” (pédigrée) en ligne et en toute sécurité.
Ce que les plateformes apportent est également une absence de différenciation et donc de statut ou de “valeur artistique” imposée par les experts, galeristes, critiques d’art, conservateurs de musées,… En outre, les musées et galeries d’art peuvent prendre du temps avant de reconnaître l’apparition de nouveaux courants artistiques… Les plateformes ne “jugent” et ne “rejettent” aucune oeuvre ou collection laissant le marché, et les “reviews”, seul juge de l’intérêt artistique ou financier.
Seules les conditions générales de la plateforme déterminent les conditions pour être “listé” sur celle-ci et donc offrir ses oeuvres à l’achat du monde entier. Tous les styles, sujets et médias sont ainsi disponibles et la “qualité” n’est plus un critère…
Qui étions-nous d’ailleurs pour déterminer ce qui est de l’art et ce qui n’en est pas ?
L’histoire de l’art n’est-elle pas faite d’évolutions constantes avec pour seule continuité ce regard précisément différent de l’artiste sur notre quotidien ?
Qu’est-ce que l’art ? Whistler a en fait offert une réponse à cette question au cours du procès. Lorsque l’avocat Holker a tenté de disculper son client de la diffamation en indiquant que Whistler était vraiment un charlatan qui commettait des fraudes, il a souligné que le Nocturne en noir et or (“Nocturne in Black and Gold: The Falling Rocket”) ne pouvait pas être une œuvre d’art achevée parce qu’il n’y avait tout simplement pas eu assez de travail ou de temps investi dans la pièce. Holker a demandé : « Avez-vous mis longtemps à peindre le Nocturne en noir et or ? Quand l’avez-vous terminé ? » Whistler a répondu : « Oh, je le fais en quelques jours. » L’avocat a ensuite demandé à Whistler si c’était simplement « le travail de deux jours » pour lequel il facturait plus de 200 £? A cette question, Whistler a répondu : « Non, je le demande pour le savoir d’une vie. » Whistler a gagné le procès. Bien qu’il s’agisse d’une victoire à la Pyrrhus pour le peintre, qui n’a reçu qu’un farthing – moins d’un penny – en dommages et intérêts, ce qui l’a acculé à la faillite, la déclaration de Whistler annonce néanmoins l’établissement de l’un des principes centraux du modernisme : l’art est d’abord et avant tout la manifestation des émotions et de l’intellectuel d’un individu.
Nous vivons dans un monde (digital) dans lequel l’originalité et la nouveauté ne dépendent plus de traditions artistiques ou des choix d’une petite communauté d’experts: tout un chacun peut créer et acheter de l’art instantanément et dans le monde entier.
Et un artiste né en 1937 peut encore nous éblouir avec un ipad!
Visiter : ‘David Hockney: The Arrival of Spring, Normandy, 2020, BOZAR jusqu’au 23 janvier 2022 et sinon le site de l’artiste ici.
In fine, les NFTs démontrent de la manière la plus immédiate, qu’ils sont avant tout des produits échangés sur un marché et poursuivent ainsi les réflexions de nombreux artistes sur les relations entre l’art et les marchés de l’art.
La reconnaissance du statut d’une œuvre d’art – et peut-être même de sa fonction première – en tant que marchandise dont la valeur découle de sa participation à un marché plutôt que d’une quelconque qualité esthétique a suscité un examen artistique tout au long de l’histoire de l’art moderne.
Parmi les premières critiques les plus pointues du rôle de l’art en tant que marchandise, citons les readymades de Marcel Duchamp et le projet de « sensibilité picturale immatérielle » d’Yves Klein. La vente insolente par Piero Manzoni de boîtes de conserve scellées portant la mention « merda d’artista » (« merde d’artiste ») pousse le bouchon encore plus loin en proposant que tout ce qui est produit par un artiste est l’expression de son génie et, par conséquent, commercialisable en tant que marchandise. Il suffirait d’un tout petit pas pour que le modèle de l’artiste-produit/collectionneur-consommateur atteigne sa pleine consommation (traduction libre).
Cette impermanence de l’œuvre d’art aboutit également aux recherches d’Yves KLEIN, Cession d’une « zone de sensibilité picturale immatérielle » à Michael Blankfort, Pont au Double, Paris, 10 février 1962.
« Les zones de sensibilité picturale immatérielle » d’Yves Klein le Monochrome sont cédées contre un certain poids d’or fin. Il existe sept séries numérotées de zones picturales immatérielles qui comprennent chacune dix zones aussi numérotées. Il est délivré pour chaque zone cédée un reçu qui indique le poids d’or fin, valeur immatérielle de l’immatériel acquis.
Les zones sont transférables par leurs propriétaires (voir règle établie sur chaque reçu).”
Dans le cadre de cet article nous allons explorer ensemble et dans cet ordre : 1) le Statut légal 2) le Statut fiscal selon la “summa divisio” des fiscalistes : impôts directs (IPP/ISOC/INR/IPM) et indirects (TVA, droits de succession,…) et en distinguant dans cette seconde partie 3 contribuables “types” et moments d’imposition :
- Le créateur de NFTs qui est en règle le premier vendeur; et
- La plateforme d’échange de NFTs; et
- Le premier acheteur de NFT et les suivants (puisque la blockchain rend possible une traçabilité complète et sans limite des transactions).
Nous écrivons ces lignes avec humilité, dans un monde en complète métamorphose, évoluant toujours plus vers des univers virtuels que le droit, et en particulier le droit fiscal, peine à réguler et canaliser.
Pour garantir un maximum de sécurité juridique, nous appliquerons un maximum de règles connues (notamment sur le marché de l’art) à ces nouveaux actifs artistiques “mutatis mutandis”, toutes choses étant égales par ailleurs, et surtout avec une volonté permanente de respecter les instructions de l’administration fiscale belge.
C’est pour nous la manière la plus sûre de conseiller les acteurs de ces nouveaux mondes numériques, des créateurs aux investisseurs privés ou institutionnels en passant par les plateformes d’échange en garantissant autant que faire se peut la sécurité juridique.
Des législations viendront tôt ou tard articuler nos réflexions dans un cadre attendu mais encore inexistant. Notre plus belle récompense sera ainsi d’avoir humblement contribué à la réflexion et comblé un vide juridique actuel dont il est bien connu que le droit – en particulier fiscal – a en horreur.